Vous avez l'intention de fonder une société secrète et de prendre le pouvoir absolu? Voici une liste partielle des embûches que vous aurez à affronter:
Le principe SNAFU – L'acronyme signifie "situation normal: all fucked up"; à l'origine concocté durant la 2e Guerre Mondiale par des soldats en passe de sarcasme, il raillait autant le penchant de l'Armée pour les acronymes que l'état d'inconscience de la situation sur le terrain que les soldats croyaient percevoir chez le haut-commandement. Le principe Snafu stipule que la communication n'est possible qu'entre pairs, puisque les supérieurs ont tendance à récompenser les subalternes qui leur disent ce qu'ils veulent entendre au lieu de la vérité. Il s'ensuit donc une progressive disconnection de la réalité chez les décideurs, un effet qui s'accumule avec chaque échelon de la hiérarchie. Ainsi, un foutoir complet va progressivement se faire embellir par chaque palier hiérarchique jusqu'à devenir un succès assuré arrivé au sommet. Lorsque l'inévitable désastre s'ensuit, les supérieurs se défendent en disant qu'ils ont été mal informés et s'arrangent pour faire porter le chapeau à leurs subalternes. Cet effet est particulièrement marqué dans les hiérarchies rigides où les membres sont choisies principalement d'après leurs allégeances plutôt que leurs capacités.
Le théorème des cinq singes – Il est plus souvent question de cinq, mais quelques versions utilisent six, ou douze – le nombre importe peu en fait. Vous mettez les singes dans une cage, au milieu de laquelle vous placez une échelle, et au sommet de cette échelle vous suspendez une banane au plafond. Dès qu'un singe s'approche de l'échelle, vous saisissez un boyau et bombardez la cage d'eau glacée; au bout d'un moment, non seulement les singes ne tentent plus de grimper dans l'échelle, mais tous rouent systématiquement de coups quiconque s'en approche. Vous remplacez un des singes. Le nouveau va naturellement vouloir aller chercher la banane, ce qui lui vaudra une douche d'eau glacée servie avec une généreuse portion de baffes de singe. Très vite il aura appris la consigne; à ce moment vous remplacez un autre singe et le processus se répète. Éventuellement vous aurez remplacé tous les singes originaux; aucun des singes présents dans la cage n'a jamais reçu le traitement du boyau, et aucun d'entre eux n'est probablement même pas au courant de son existence. Malgré tout, vous pouvez être certain qu'ils maintiendront la politique dictant de laisser la banane tranquille. Vous pouvez même ranger le boyau: si un des singes se mettait en tête de grimper en haut et de redescendre avec la banane, il pourrait compter sur un robuste comité d'accueil pour lui rappeler le règlement. Cette parabole illustre le conservatisme sclérosé qui affectent les organisations au fil du temps, où les traditions, règlementations, politiques et procédures continuent d'être appliquées longtemps après qu'elles soient rendues complètement caduques, surtout si l'organisation est ancienne: "Je ne sais pas pourquoi ont fait ça, mais c'est ce qu'on a toujours fait, alors c'est ce qu'on va faire"
Le principe de Peter – Du nom de son concepteur, le dr Lawrence Peter, ce principe stipule que dans toute hiérarchie, chaque membre a tendance à s'élever à son niveau d'incompétence. Une organisation typique va promouvoir ceux de ses membres qui se distinguent; à force de monter en grade, ceux-ci finissent par atteindre un échelon pour lequel ils sont maintenant incompétents, soit parce qu'ils ont franchi leur seuil de compétence, soit parce que le nouveau poste exige des connaissances différentes que leurs précédentes charges. Éventuellement, à peu près tous les postes finiront par être occupés par des incompétents, et le peu de travail qui s'accomplira sera réparti parmi les quelques exceptions.
Le principe de Dilbert – Inventé par Scott Adams, le créateur du comic strip Dilbert, ce principe relance le principe de Peter en stipulant que les incompétents seront systématiquement promus directement à des postes de gestion, sans passer par les étapes intermédiaires, afin de les mettre hors d'état de nuire pour que les compétents puissent travailler en paix. Ce principe expliquerait pourquoi les entreprises et gouvernements regorgent d'employés inutiles passant leurs journées à assister à des meetings insignifiants, à rédiger des mémos superflus et à glander sur des sites de clavardages une heure sur deux.
l'effet Dunning-Kruger – D'après une expérience menée par Justin Dunning et David Kruger à l'université Cornell, qui ont fait subir des tests d'aptitudes à leurs sujets, pour ensuite leur demander de prédire le résultat. Le principe se manifeste par un biais qui nous empêche d'évaluer correctement nos capacités: les gens sous-doués vont avoir tendance à sur-évaluer leur talent, tandis que les surdoués vont se sous-évaluer. Peu importe le domaine, une connaissance limitée empêchera un individu de prendre conscience des limitations de ses connaissances; à la base on pourrait dire que le principe Dunning-Kruger est une démonstration de catch-22. En un mot et comme je le dis souvent, le problème avec les idiots, c'est qu'ils sont trop stupides pour prendre conscience de leur condition d'imbécilité.
Le syndrome du Monopoly – D'après le jeu de Parker Brothers, une théorie que je suis en train d'inventer à mesure. On a à peu près tous joué à Monopoly dans notre jeunesse, et on se croit tous expert. Au moins au Québec, dans la plupart des foyers se trouve un exemplaire du jeu, souvent fort usagé; les coins de la boîte sont défaits, le plateau est séparé en deux, il manque des maisons et hôtels et ceux qui restent ont été rongés par le chien, les billets de banque ressemblent à des chiffons J,... mais il y a une pièce du jeu qui reste toujours pratiquement intacte, le livret de règlements. Tout le monde est expert dans le jeu, tout le monde en est une autorité suprême mais jamais personne ne prends la peine de consulter l'ostie de manuel. Les institutions sont bourrés de gens pour qui prendre la peine de consulter la documentation est comme une admission de défaite, une tache à leur orgueil, parce qu'ils préfèrent se raccrocher à la notion qu'un petit ange vient les visiter à chaque nuit pour leur murmurer à l'oreille les secrets de l'univers. Confier un nouvel équipement à ces gens là est une gageure périlleuse.
Tous ces principes interragissent entre eux: ainsi les incompétents sont réfractaires aux changements, surtout dans la mesure ou ceux-ci les obligerait à réviser la documentation, ce qui les pousserait à prendre conscience à quel point ils sont déconnectés de la réalité, ce qui leur est impossible étant donné qu'ils sont justement déconnectés de la réalité et ne comprennent finalement que dalle à ce qui se passe autour d'eux; et nonobstant tout ceci ces taches s'arrangent pour se retrouver à des postes de gestion.
N'importe qui qui a déjà essayé d'organiser une sortie d'école, un comité de quartier quelconque, ou ne serait-ce qu'une campagne de Dungeons & Dragons a certainement eu affaire à ce phénomène, et s'est rendu compte à son grand découragement qu'empêcher les tapons de faire partie du groupe n'est pas aussi simple qu'il n'y parait. Les tests d'aptitudes, les entrevues, les enquêtes peuvent aider, mais le népotisme, le chantage, la petite politique de bureau, la tricherie ou même la bête chance vont réussir malgré tous vos efforts à faire introduire un nombre substantiel d'épais trop épais pour réaliser qu'ils sont épais, et à partir de là le problème ira en s'aggravant, à plus forte raison lorsque l'un d'entre eux réussira à se faire mettre en charge du recrutement, des tests d'aptitudes, des entrevues...
Si vous voulez devenir maître du monde et pensez à former une organisation secrète, c'est ce monstre que vous aurez à combattre. Comment vous allez vous arranger pour recruter des milliers de subalternes fanatiquement dévoués sans qu'un seul crétin réussissent à s'y frayer un chemin, ou même à être mis au courant question qu'il ailles tout raconter preuves en main, c'est une maudite bonne question et si vous savez la réponse, ne vous gênez surtout pas pour me le faire savoir, je suis impatient de connaître votre plan.
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