J'ai souvent l'occasion de passer sur la piste cyclable du boulevard René-Lévesque, et de traverser l'intersection Papineau. Et c'est inmanquable, y'a toujours un gorleau qui passe sur la fin de la verte, ou même la jaune en espérant que la file sur Papineau avance; résultat, notre génie se retrouve coincé en plein milieu de la rue et bloque toute la circulation sur René-Lévesque. C'est un scénario qui se répète à toutes les intersections à la grandeur de la ville, mais sur celle-là c'est vraiment chronique, à cause de la courte distance entre St-Antoine, René-Lévesque et Ste-Catherine, et aussi à cause du volume de véhicules qui arrive de la 720 et veulent aller sur le pont Jacques-Cartier.
En fait ça se reproduit pratiquement à chaque cycle; je me souviens d'une fois où un de ces grands esprits a bloqué le passage à un dix-huits roues et s'est retrouvé avec le fender du camion tellement collé dans la fenêtre du passager qu'il était obligé de se pencher pour voir le logo Kenworth. Je suis sûr qu'à ce jour ses oreilles bourdonnent encore des suites du concert diesel que lui avait offert les huit mille chevaux du poids lourd contrôlés de main de maître par le routier particulièrement doué dans l'art de tourner le moteur sous compression pour un rendement sonore optimal. À son crédit, je dois dire qu'il a fait preuve d'un sang-froid exemplaire en regardant droit devant lui et en affectant d'ignorer avec soin les quarante tonnes de métal enragé qui se rapprochaient centimètre par centimètre avec des petits soubresauts hystériques et en émettant des chuintements menaçants; à peine ses doigts sont venus un peu plus pâles et sa tête un peu plus enfoncée dans ses épaules quand notre facétieux camionneur a délicatement tiré à deux mains sur le klaxon, faisant ainsi sursauter tout le monde à dix pâtés de maison.
Bref, un bel après-midi, j'arrive à l'intersection et tout en attendant la verte, je constate qu'encore une fois, la portion de la rue Papineau entre Ste-Catherine et René-Lévesque est pleine, et je regarde l'automobiliste qui attend au coin, convaincu qu'il va s'essayer même s'il a pas de place et qu'il va rester coincé comme un con en plein milieu du boulevard lorsque la lumière va virer rouge; mais à ma grande surprise, et probablement juste pour me contredire il attend sagement que la voie se libère avant de traverser. Pourtant ce n'était sûrement pas l'envie qui devait lui manquer; il y a quelque chose de quasiment contre-nature dans l'acte de rester sans bouger en voyant une lumière verte; peut-être qu'il y avait des feux de circulation à l'ère jurassique et que la mémoire nous est restée plantée dans un recoin de notre cerveau reptilien: "vairre avanse. rouje arraîte. ugh." (il devait pas y avoir de jaune, parce qu'on semble jamais savoir quoi faire quand on en voit une: crisse les brakes, crisse le gaz..)
L'automobiliste qui le suivait semblait beaucoup plus déterminé à céder à ses instincts primaires: il klaxonnait et vociférait en faisant des grands gestes enjoignant le conducteur devant lui à avancer est verte tabarnak tu vois ben qu'est verte allume crisse. C'est un fait scientifiquement prouvé, Homo Sapiens voit son Q.I. baisser de 30 points la minute qu'il se retrouve avec un volant dans les mains; dans le cas de notre zygoto, ça avait plus l'air de 60 points. Peut-être qu'il était inquiet de voir descendre le taux de stupidité ambiante en voyant l'autre refusant d'avancer et qu'il se sentait obligé d'être imbécile pour deux question de conserver la moyenne; heureusement personne d'autres aux alentours ne s'est mis à agir avec un bon sens manifeste, parce que je vois mal comment il aurait pu s'arranger pour compenser pour un troisième. Des plans pour qu'il sorte de son char en aboyant et se mette à zigner sur la jambe de quelqu'un.
Lorsque le feu a changé, la file avait pas bougé et s'ils avaient avancé, les deux conducteurs se seraient ramassé en plein milieu du boulevard à faire face au concert habituel de klaxons. Je suis reparti en regardant la file, puis le zigneux en arrière, puis la file, comme ça trois ou quatre fois; j'ose espérer qu'il a catché le sens de mon regard, mais je suis pas trop optimiste. J'imagine qu'il est allé se venger plus loin en bloquant la rue Ste-Catherine.
1 niaiserie:
Six années plus tard la situation n'a pas changé; les tatas continuent d'obstruer la circulation. Mais aujourd'hui j'ai assisté à une variante du scénario: cette fois le moron s'est planté direct devant une auto-patrouille. Enjoy your ticket.
Ce fût une belle journée.
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