C'est bien beau dire que les cyclistes à Montréal sont délinquants, mais je pense que les automobilistes ont tendance à oublier qu'ils ont eux-mêmes déjà été cyclistes. Je vous pose la question: avant d'avoir une auto, vous faisiez vos déplacements en bicyclette, non? Quand vous étiez ado, vous les faisiez vos stops et vos lumières? Scrupuleusement?? Même quand l'intersection était déserte? Hein, bon. C'est ça.
La loi de l'inertie est la même pour tout le monde, peu importe le véhicule, c'est-à-dire que le gros de l'effort se fait au départ. C'est pour ça que la consommation d'essence moyenne des autos est presque deux fois plus importante en ville que sur la route: le moteur travaille plus fort à cause des nombreux départs et arrêts. Pour un automobiliste, c'est pas grand chose de partir d'un coin de rue, juste de baisser un peu le pied, mais le cycliste lui, il a pas de moteur pour faire tout le travail à sa place: il faut qu'il pédale parce c'est lui le moteur. Ça l'air de rien comme ça, mais quand ça fait quinze stops que tu fais, tu commence à en avoir ton casque d'Isaac Newton et de sa crisse de force d'inertie (déjà qu'il te fait chier en masse avec la gravité). Quand t'arrives à la seizième intersection et que tu vois qu'elle est déserte, en quelque part tu te dis fuck le stop, ça commence à ben faire.
Quand on dit que dans 60% des accidents impliquant une auto et une bicyclette, le cycliste est responsable, il faut mettre les choses en perspective: dans un cas de "ma parole contre ta parole", le cycliste a rarement le bénéfice du doute, on a mauvaise réputation. Même si l'on prends cette statistique au pied de la lettre, ça nous laisse quand même 40% de responsabilité pour l'automobiliste; on parle pas d'une majorité écrasante ici, et il faudrait faire attention avant de tout mettre sur notre dos.
Mais surtout ce qu'il faut prendre en considération c'est que si ça aurait été deux cyclistes, la responsabilité n'aurait été imputée à personne, parce que il n'y aurait probablement pas eu d'accident en premier lieu. Ce qu'il est important de comprendre, c'est que le système de signalisation a d'abord été pensé en fonction de l'automobile: vous aimeriez ça par exemple qu'on vous oblige à vous conformer aux mêmes lois que pour les camions? "Ben voyons, ça pas d'allure, un camion et une auto c'est pas pareil!" Ben c'est la même chose pour nous. On est forcé de se plier à des contraintes pour solutionner des problèmes dont on est pas responsables: s'il n'y avait pas d'autos, on aurait pas besoin de stops ou de feux de circulation. Au-dessus des lois? On est en marge des lois; les cyclistes sont les laissés pour compte de la loi.
La presque totalité des collisions est en réalité causée par la propension innée de l'automobile à provoquer des accidents, et ce peu importe les circonstances exactes dans un cas comme dans l'autre. Le simple fait d'être au volant d'un véhicule automobile est déjà en soi un acte dangereux: une auto c'est pesant, c'est large, c'est difficile à contrôler et à arrêter - et en plus, ça pue. Il existe un risque inhérent à la conduite, même avec toutes les précautions élémentaires (qui sont rarement observées, est-il besoin de préciser). Une auto est 50 fois plus lourde qu'un vélo: ça veut dire 50 fois plus de dommages, et les risques sont d'autant décuplés.
Imaginez une ville où les vélos sont interdits, et où tous les cyclistes s'achètent une voiture: le traffic va t-il être plus fluide? Va t-il y avoir moins d'accidents? Les rues vont-elles être plus sécuritaires? Maintenant imaginez la situation inverse: plus d'autos, tout le monde à vélo... haa, là, là je sens que vous commencez à comprendre mon point de vue. Se pourrait-il que vous êtes dans l'erreur quand vous considérez les cyclistes comme des intrus dans votre monde automobile? Se pourrait-il que ça soit le contraire?
Dans un monde idéal, il serait carrément interdit de circuler en automobile ailleurs que sur les routes et autoroutes. Évidemment, c'est pas mal charrié, et surtout complètement utopique. Mais je pense que les automobilistes devraient au moins prendre conscience que l'automobile en ville est une aberration, et que les cyclistes - et jusqu'à un certain point les piétons - rendent un service à la société. On devrait avoir le droit de traverser n'importe quand n'importe où selon notre bon plaisir, et vous devriez pas avoir un crisse de mot à dire. Ce changement d'attitude serait selon moi un pas vers la planète verte plus important que tous les moteurs électriques du monde.
Peut-être que quand je brûle un feu rouge, pour toi c'est de la délinquance. Mais pour moi, c'est de la contestation.
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